GERMAINE TAILLEFERRE

Quatre opéras bouffes

« Petite histoire de l’art lyrique français : du style galant au style méchant »

  • L’oeuvre dans son contexte historique :

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, 90 % du réseau des émetteurs français est détruit. Nul ne pouvait prédire, à cet instant, la spectaculaire renaissance de la radio française seulement quelques mois plus tard.

Cette renaissance physique va être accompagnée par la naissance d’un nouveau genre d’œuvres : les opéras radiophoniques. En effet, la radio va devenir pour une partie des jeunes compositeurs d’après guerre un lieu de création (Pierre Schaeffer en tête) car ce lieu apporte de nouvelles contraintes.

C’est dans ce contexte qu’en 1955 Jean Tardieu, alors directeur du Studio d’Essai de la Radiodiffusion Française commande un opéra radiophonique à Germaine Tailleferre, seule femme compositeur du groupe des six*.

  • Comment Germaine Tailleferre va traduire musicalement ces nouvelles contraintes ?

Certaines caractéristiques musicales  répondant à ces contraintes sont communes aux quatre opéras de Germaine Tailleferre car la priorité sera celle de privilégier l’intelligibilité du texte et la bonne audibilité par rapport au contexte de la radio

– Il faut que l’opéra soit audible par rapport au bruit de fond du studio, il faut donc éviter les nuances PP

– Il faut faire attention à la distorsion lorsque l’on augmente trop le niveau sonore d’un micro par rapport au dispositif sonore environnant

-Les mélodies des chanteurs sont simples, répétitives avec un ambitus ne recherchant jamais les notes extrêmes graves ou aigües,

– Les ensembles vocaux à plusieurs voix chantent sur un même rythme (ils chantent en homorythmie), le contrepoint est quasiment inexistant car il gênerait la compréhension du texte,

– Les instrument souvent doublent les voix, il y a très peu de contrechants,

– Les formes musicales sont simples (couplet-refrain, strophique, binaire, lied – ABA,..) et facilement identifiables,

– les pièces sont courtes au niveau de la durée,

– Les différents opéras sont courts (environ 20 mn contre des opéras de 2h00 chez Mozart)

– les ouvertures sont courtes

  •  L’ensemble orchestral

Il a en général un faible volume orchestral avec un maximum de couleur adaptée au style de l’opéra. Ainsi, on a une structure de base commune aux quatre opéras (1 flûte, 1 hautbois, 1 clarinette en sib, 1 basson, 2 cors en fa, 1 trompette en ut, timbales, cordes) et des ajouts d’instruments spécifiques aux différents pastiches d’opéras :

1/ Fille d’opéra :  tambour ou caisse claire et le clavecin rappelant le style baroque de Rameau,

2/ Le bel ambitieux : la harpe rappelant que cet instrument est utilisé à l’époque romantique

3/ La pauvre Eugénie : cymbales, caisse claire, tambour de basque, harpe rappelant que ces instruments sont utilisés à l’époque romantique,

4/ Monsieur Petitpois achète un château : 1 trombone, cymbale, caisse claire grosse caisse tambour de basque triangle glokenspiel, harpe rappelle l’orchestre diversifié au niveau du timbre de Jacques Offenbach.

  • Naissance de cinq opéras bouffes radiophoniques :

De cette commande de 1955 de Jean Tardieu à Germaine Tailleferre, née une série de cinq opéras bouffes (dont un partiellement disparu aujourd’hui).

Ainsi dans les quatre opéras bouffes à étudier,

  • Nous sommes transportés à l’époque de Rameau avec « La fille d’opéra »  pour suivre les péripéties de la coquine « Pouponne » qui dilapide l’argent des autres afin de satisfaire sa coquetterie.?
  • Ensuite, assistons à un charmant Vaudeville « Le bel ambitieux », à la manière de Rossini qui nous conte les déboires amoureux de  Clémentine, de sa fille et de son amant.
  • Ensuite, nous découvrons à la manière de Gustave Charpentier, l’histoire de  « La pauvre Eugénie », une petite ouvrière du Paris de la fin du XIXème siècle qui finira par rencontrer le grand amour. ?
  • Enfin, ce pastiche s’achève avec « Monsieur Petitpois achète un château », un opéra bouffe à la manière d’Offenbach.

– Germaine Tailleferre confie l’écriture du livret à sa nièce, Denise Centore. Il est véritablement le fruit d’un travail commun, raison pour laquelle il complète si bien la partition, et vice-versa.

  • L’adaptation de 2014 :

Dans cette adaptation à l’opéra de Limoges, la metteuse en scène, Marie-Eve Signeyrole a choisi de réunir les quatre intrigues en une, en imaginant un tribunal où l’on jugerait les crimes et délits commis par les divers protagonistes. Le choix a été de situer ces quatre opéras bouffes à une époque commune : les années 1950, date de création des opéras originaux. Au fur et à mesure que l’on va découvrir les quatre opéras, ce décor va s’ouvrir, bouger dans l’espace. Cette idée permet un spectacle foisonnant et déjanté, avec un décor à transformation comme les aime Fabien Teigné, des danseurs et figurants assez envahissants, un récitant – comme à la radio – et une juge-acrobate un peu caractérielle.

Christophe Rousset assure la direction musicale.

  • La problématique de l’opéra radiophonique

Il est important de préciser que l’« opéra radiophonique » ne signifie pas opéra à la radio, mais opéra pour la radio. L’opéra radiophonique est donc un genre lyrique nouveau mettant de nouvelles contraintes dans l’acte même de composer puisqu’il ne met en jeu que des moyens sonores. La difficulté pour le compositeur est de créer une pièce compréhensible uniquement par l’écoute de celle-ci. Dans un opéra radiophonique, il n’y a pas de mise en scène, pas de théâtre, pas de visuel …

RETOURS EN PHOTOS ET VIDÉOS

“La musique donne une âme à nos coeurs et des ailes à la pensée.”

~Platon