A Ouidah, la Route des Esclaves est longue d’un peu plus de trois kilomètres. Sept« stations » ont été conçues pour représenter les séquences du « calvaire » des esclaves :

  • la vente sur la place aux Enchères, Au XVIIIe siècle, Africains et Européens s’y échangeaient toutes sortes de marchandises. Les uns vendaient des produits manufacturés, les autres des esclaves (prisonniers de guerre issus d’ethnies rivales, victimes de razzias ou encore coupables d’adultères). 1 pipe valait 5 esclaves, 1 bouteille d’alcool 10 esclaves, 1 canons 15 hommes ou 21 femmes…

« C’est sous cet arbre et en cette place que se tenaient les enchères publiques

pendant lesquelles les esclaves destinés aux Amériques étaient

troqués contre des marchandises de pacotille ».

  • La maison fleurie était située juste en face du marché mais a été détruite. Une fois vendu, chaque esclave devait s’y rendre pour y recevoir la marque, au fer rouge, de son acheteur. Puis il entamait sa longue marche, sur la route jusqu’à l’océan.
  • leur transit autour de l’Arbre de l’Oubli – neuf fois pour les hommes, sept fois pour les femmes – aurait constitué une sorte de passage rituel permettant l’effacement de tous les indices de leur appartenance.

« En ce lieu se trouvait l’arbre de l’oubli. Les esclaves mâles devaient

tourner autour de lui neuf fois. Les femmes sept fois. Ces tours étant

accomplis, les esclaves étaient censés devenir amnésiques.

Ils oubliaient complètement leur passé, leurs origines et leur

identité culturelle pour devenir des êtres sans aucune

volonté de réagir ou de se rebeller. »

  • la case Zomaï, « là où le feu ne rentre pas », deux statues qui représentent un homme et une femme agenouillés, ligotés et muselés rappellent aux visiteurs le marquage au fer rouge et la réclusion des esclaves dans les cases où ils attendaient leur déportation. Les esclaves étaient conduits dans des sortes d’entrepôts totalement obscures et exigus (« Zomaï » signifiant « que le feu ou la lumière ne s’y attarde pas ») dans lesquels ils étaient enfermés pendant 3 à 4 mois jusqu’à l’arrivée des navires négriers. Des conditions de vie horribles – entassés les uns sur les autres, dans le noir, rarement nourris – qui étaient censées leur donner un avant-goût de ce qui les attendait dans les bateaux. Il ne reste rien de ces cases qui ont été remplacées par des sculptures.

    « En effet, en cet endroit se trouvait une grande case hermétiquement close où les esclaves étaient enfermés dès leur arrivée à Zounbodji. Et d’où ils ne sortaient que pour être transférés vers l’arbre du retour. Cette séquestration absolue désorientait totalement les esclaves et rendait extrêmement difficile toute tentative de fuite ou de rébellion; Ce séjour ici les conditionnait pour la vie de promiscuité et d’obscurité des cales des négriers. »

  • le mémorial de Zoungbodji est édifié sur l’emplacement prétendu de la fosse commune où les esclaves décédés auraient été enterrés,
  • l’Arbre du Retour autour duquel les esclaves tournaient trois fois afin de permettre à leurs âmes, après la mort, de revenir sur la terre des origines. A quelques mètres du mémorial, un arbre généreux, debout depuis 200 ans, trône au milieu d’une placette tel un témoin du passé. Une fois qu’ils quittaient les cases, les esclaves s’y arrêtaient et en faisaient 3 fois le tour. Ce rituel leur garantissait que leur esprit reviendrait sur la terre de leurs ancêtres quoi qu’il arrive et où qu’ils meurent. Dernière volonté accordée à des êtres humains en sursis.
  • la Porte du Non-Retour, faisant face à la mer sur la plage. La Route des Esclaves se termine par une immense porte inaugurée en 1995, symbolisant le passage des esclaves vers l’autre monde et l’impossibilité pour eux de revenir. La mer étant peu profonde, les navires ne pouvaient atteindre les côtes. Des pirogues les attendaient pour les conduire dans les navires. Ultime chance de se donner la mort et d’échapper à ce funeste destin.

Ces lieux sont reliés par vingt-deux sculptures aux styles différents (la plupart ont été réalisée par Cyprien Tokoudagba) qui jalonnent le trajet rappelant la souffrance des captifs ; la dimension sacrée des cultes vodun ; la puissance et le prestige des souverains d’Abomey.

Le route des esclaves est un lieu de commémoration où le souvenir du passé de l’esclavage est associé à la domination des rois du Danhomé ayant précédé (et résisté à) la colonisation française. À cet égard, il faut préciser que les statues commémorant les monarques d’Abomey sont des représentations « non humaine » ; à travers la figuration d’animaux et/ou d’objets emblématiques, elles sont censées et illustrer des devises royales propres à chaque souverain.

Ouidah, d’après les estimations de l’historien Robin Law (2004), fut le port négrier le plus important d’Afrique, après celui de Luanda en Angola, en nombre d’esclaves y ayant transité, soit un million – à la plage,

Remarques importantes concernant la route des esclaves :

  • La réalité historique et les interprétations actuelles des étapes dela route des esclaves ne sont pas attestées par les sources documentaires. Robin Law (2004), spécialiste de l’histoire de la région au moment de la traite négrière, s’est appuyé sur un patient travail d’archives pour conclure qu’il n’y aurait jamais eu de place aux Enchères : les esclaves étaient vendus à l’entrée des maisons des différents négriers. En ce sens, la place aux Enchères est plutôt la place où se trouvait la maison du négrier de Souza et de ses descendants. La réalité historique d’un Arbre de l’Oubli, d’un Arbre du Retour, d’un lieu de détention et de marquage des esclaves et d’une fosse commune est aussi mise en question par Law, malgré leur élaboration récente dans les récits locaux que j’ai pu récolter à plusieurs reprises. D’ailleurs, toute reconstruction contemporaine se voulant véridique est confrontée au fait qu’à l’époque de la traite, les itinéraires et les modalités du commerce variaient selon les saisons, les périodes, les destinations des captifs, l’efficacité des actions militaires menées par la marine anglaise après l’abolition de la traite en 1807.
  • Aujourd’hui, la Route de l’Esclave se présente dans un état d’abandon dû en partie à un manque de soin et d’organisation des institutions ; cette négligence est aussi le reflet d’un manque d’intérêt réel et de financements qui, après la fin du mandat du président Soglo, a caractérisé les politiques nationales de valorisation du patrimoine. D’ailleurs, les espoirs d’un développement d’un tourisme culturel au début des années 1990 se sont envolés par manque d’investissement conséquent de la part de l’Unesco et de l’État.

RETOURS EN PHOTOS ET VIDÉOS

“La musique donne une âme à nos coeurs et des ailes à la pensée.”

~Platon